Transparence et démocratie / Opacité de l'UE
DÉCISION FINALE DE LA MÉDIATRICE EN FAVEUR DE POLLINIS ET POUR LA TRANSPARENCE
POLLINIS avait saisi la Médiatrice européenne fin 2018, après le refus de la Commission européenne de lui communiquer des documents sur le blocage des « tests abeilles ». Au terme d’une année de procédure, elle donne définitivement raison à l’association et souligne le manque de transparence sur ce dossier.
Depuis septembre 2018, POLLINIS demande l’accès à des documents de la Commission européenne, révélant quels pays européens bloquent l’adoption des « tests abeilles ». Ces protocoles scientifiques, établis en 2013 par l’autorité sanitaire européenne (EFSA), permettraient de déceler la toxicité réelle des pesticides sur les pollinisateurs avant leur mise sur le marché.
Or, depuis six ans, la mise en œuvre de ces tests cruciaux est bloquée par une majorité d’États membres. Réunis au sein d’un comité technique, le SCoPAFF, ils s’opposent à ce texte sans motiver publiquement leur décision et sans que leur position ne soit révélée. POLLINIS, qui dénonce l’influence manifeste de l’industrie agrochimique dans ce dossier, considère que ces positionnements sont d’intérêt public.
Devant le refus de la Commission de lui communiquer les délibérations du SCoPAFF, l’association avait saisi la Médiatrice européenne, Emily O’Reilly, fin 2018. En mai 2019, la Médiatrice avait donné raison à POLLINIS, pointant la « mauvaise administration » de la Commission et lui enjoignant de transmettre ces documents avant le 10 août 2019.
Site internet de la Médiatrice européenne annonçant sa décision en faveur de POLLINIS.
Après avoir demandé deux prolongations et manqué la dernière date limite fixée au 31 octobre 2019, la Commission a refusé, à nouveau, l’accès aux documents le 11 novembre. Elle justifie sa décision en invoquant le fait que « les règles applicables aux procédures de comitologie préservent la confidentialité des positions individuelles des États membres ».
Dans sa décision finale (version anglaise ici), publiée le 4 décembre 2019, la Médiatrice réaffirme qu’au regard de « l’importance cruciale des abeilles pour l’environnement », la transmission des informations demandées par POLLINIS présente un « intérêt public supérieur ». Elle ajoute qu’il est « essentiel de comprendre quelles sont les positions des différents représentants des États membres dans un système démocratique qui est responsable devant ses citoyens. » Elle considère à nouveau que la Commission fait preuve de « mauvaise administration » et recommande l’accès public aux documents demandés. La décision de la Médiatrice, aussi importante soit-elle politiquement, n’est malheureusement pas contraignante pour la Commission.
Mais selon Maria Weimer, professeure assistante au Centre pour le droit et la gouvernance européens à Amsterdam, et experte en matière de réglementation des risques et des lois de comitologie de l’UE, le refus de la Commission n’a aucune base légale, comme elle l’explique dans une interview au site d’information spécialisé Politico Pro : « Je pense que POLLINIS ainsi que le médiateur européen ont parfaitement raison de dire que rien dans le règlement sur la comitologie n’obligerait ni n’empêcherait la Commission de publier les positions individuelles des États membres dans les procédures de comitologie ».
POLLINIS entend donc poursuivre ses démarches pour que la lumière soit faite sur ce dossier, et pour que les citoyens européens aient un réel droit de regard sur les décisions dont dépend la survie des abeilles et des pollinisateurs sauvages.